Lettre ouverte de la Plateforme des Organisations Haïtiennes de Droits Humains (POHDH) et du Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH)
Plateforme des Organisations Haïtiennes de Droits Humains (POHDH)
Réseau National de Défense des Droits Humains
(RNDDH)
Port-au-Prince, le 16 juillet 2013
Aux Membres du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire(CSPJ)
En leurs Bureaux.-
Madame, Messieurs les Membres du CSPJ,
La Plateforme des Organisations Haïtiennes de Droits Humains (POHDH) et le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) se font le devoir d’attirer votre plus sérieuse attention sur un cas typique d’accroc à l’indépendance du Pouvoir Judiciaire qui est de nature à saper tous les efforts consentis pour la mise en place du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ), l’institution créée justement pour empêcher ces dérives.
En effet, le mardi 2 juillet 2013, Me Jean Serge Joseph, Juge et Juge d’Instruction au Tribunal Civil de Port-au-Prince a ordonné, dans le cadre du dossier pendant par devant lui, portant sur la participation présumée de la famille présidentielle à des actes de corruption, la comparution de Grands Commis de l’Etat à titre de témoins.
Onze(11) jours plus tard, soit le samedi 13 juillet 2013, Me Jean Serge Joseph est décédé. Selon les Médecins de l’Hôpital Bernard Mews, le Magistrat serait mort suite à un accident cardio-vasculaire.
Madame, Messieurs les Membres du CSPJ,
Avant son décès, le Magistrat Jean Serge Joseph a fait d’ importantes déclarations à ses proches ainsi qu’à d’autres Magistrats, affirmant qu’il a été l’objet d’énormes pressions de la part du Pouvoir Exécutif, pour revenir sur sa décision. Il a aussi confié que le Doyen près le Tribunal de Première Instance de Port-au-Prince, Me Raymond Jean Michel a servi de pont entre lui-même et les autorités politiques, notamment enlui rapportant les points de vue du Pouvoir Exécutif et en organisant des rencontres entre lui et les autorités politiques, offusquées par sa décision.
De plus, le RNDDH a pu recueillir les déclarations d’un homme de confiance du Magistrat défunt qui a affirmé avoir personnellement participé à la réunion du jeudi 11 juillet 2013, tenue au Cabinet de Me Louis Gary Lissade avec la participation, entre autres, du Chef de l’Etat, Monsieur Michel Joseph Martelly, du Premier Ministre, Monsieur Laurent Salvador Lamothe et du Ministre de la Justice et de la Sécurité Publique, Maître Jean Renel Sanon.
Par ailleurs, parmi les personnes auxquelles le Magistrat Jean Serge Joseph s’est confié avant sa mort se retrouvent la dame Kettely Julien de l’Institut Mobile d’Education Démocratique (IMED) ainsi que les Juges d’Instruction Berge O. Surpris, Jean WilnerMorin et Bernard Sainvil. Ces derniers, tenus aux obligations de réserve, ne peuvent se prononcer dans la presse, mais ne peuvent non plus refuser de révéler, au CSPJ ou à l’Assemblée des Juges, les informations portées à leurs connaissances.
Le cas du Juge Jean Wilner Morin est particulièrement intéressant vu qu’il s’est entretenu avec le Juge Jean Serge Joseph avant et après la rencontre du jeudi 11 juillet 2013 et qu’il a aussi parlé avec le Doyen Raymond Jean Michel de la rencontre susmentionnée et des confidences à lui faites par le Magistrat défunt. Ceci est d’autant plus important que le Doyen a nié dans la presse la tenue de cette rencontre.
Madame, Messieurs les Membres du CSPJ,
La POHDH et le RNDDH tiennent à souligner à votre attention que le Magistrat défunt est aussi un cultivateur de riz qui assurait la promotion de la qualité du riz de la Vallée de l’Artibonite, en faisant don, à ses collègues Magistrats, de sacs de riz. Le jour de la rencontre, soit le jeudi 11 juillet 2013, il a apporté au Ministre de la Justice et de la Sécurité Publique, Me Jean Renel Sanon, un sac de dix (10) marmites de riz Shelda. Son homme de confiance, entendu par le RNDDH, confirme avoir transposé personnellement ce sac de riz du véhicule du Magistrat défunt à celui du Doyen du Tribunal Civil de Port-au-Prince, Me Raymond Jean Michel pour être remis à son destinataire, Me Jean Renel Sanon. Il serait donc judicieux d’entendre cet homme de confiance qui est aussi un parent du Magistrat défunt.
Madame, Messieurs les Membres du CSPJ,
La POHDH et le RNDDH questionnent le fait qu’une rapide conférence de presse donnée autour de la mort du Magistrat Jean Serge Joseph, ait été planifiée par le Bureau de la Primature, qui, via le réseau de Messages BlackBerry (BBM), a lui-même invité la Presse à prendre part à ladite conférence tenue le dimanche 14 juillet 2013 au local de l’Hôpital Bernard Mews. Cette conférence a été donnée par deux (2) médecins étrangers dont l’un portait un bracelet rose, signe de son attachement au gouvernement Martelly / Lamothe.
Madame, Messieurs les Membres du CSPJ,
La POHDH et le RNDDH jugent inconcevable que le Pouvoir Exécutif s’immisce dans le traitement d’un dossier par un Magistrat, en usant de stratagèmes, de subterfuges pour le rencontrer et de menaces ouvertes pour l’influencer dans ses prises de décision.
La POHDH et le RNDDH jugent inacceptable qu’un Doyen d’un Tribunal puisse prendre la responsabilité d’amener un Juge dans un Cabinet d’Avocats ou de planifier des rencontres avec des autorités politiques pour décider à l’avance des suites à donner à un procès.
En ce sens, la POHDH et le RNDDH recommandent vivement au CSPJ de former une commission d’enquête autour de la question, d’entendre les Magistrats Raymond Jean Michel, Bernard Sainvil, Jean WilnerMorin et Berge O. Surpris ainsi que tous les proches du Magistrat décédé Jean Serge Joseph ce, dans le but de fixer la responsabilité des uns et des autres dans cette affaire.
Espérant que prompte suite sera donnée à la présente, la POHDH et le RNDDH vous prient de recevoir Madame, Messieurs les Membres du CSPJ,l’expression de leurs respectueux hommages.
Pierre Esperance
Directeur Exécutif RNDDH
Antonal Mortimé
Secrétaire Exécutif
POHDH