Source: POHDH
Haïti est un pays où l’Etat ne coopère pas trop bien avec le système des Nations Unies pour les Droits de l’Homme alors que c’est un pays où la situation des droits de l’Homme est très critique, tant sur le plan civil et Politique, mais surtout en matière des droits économiques, sociaux et culturels.
Beaucoup de problèmes relatifs aux Droits Civils et Politiques persistent encore: Tels que la manque de garanties judiciaires, la dépendance du pourvoir judiciaire, le mauvais fonctionnement du système carcéral, le vide institutionnel et d’autres….
Les problèmes des Droits Économiques, Sociaux et Culturels : le non jouissance du droit à l’éducation, droit au logement, droit à l’alimentation et droit au développement ; Droits de la femme : discrimination, traite et violence et la faible participation dans les affaires publiques et finalement les droits de l’enfant : domesticité et droit à l’identification, à un nom, une famille et une nationalité.
Droits civils et politiques
Garantie judiciaire
1. La dépendance du pouvoir Judiciaire de l’Exécutif et du Législatif, l’absence des structures prévues pour le renforcer, les mauvais fonctionnements de l’appareil judiciaire ont des incidences majeures sur l’accessibilité de la justice et de l’assistance légale en Haïti. Malgré toutes les promesses faites tant par le chef du gouvernement haïtien que par certains responsables de l’appareil judiciaire, les garanties judiciaires et le système carcéral en Haïti continuent de représenter une source constante de violation des droits humains en vertu de l’article 14 du (PIDCP. Les conditions de vie dans les prisons haïtiennes sont un clair exemple du traitement inhumain et dégradant que subissent les prisonniers. 65% des personnes dans les prisons, sont des personnes en attente de jugement. Détention préventive prolongée.
Recommandation
2. Elaborer la politique publique pour la réforme judiciaire ; Mettre en place le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire ;
Délivrer une invitation permanente pour le Rapporteur Spécial sur l’indépendance des juges et des avocats ;
Juger dans un délai raisonnable toutes les personnes en détention préventive et faciliter le recours en habeas corpus, destinée à protéger la liberté individuelle ;
État de Droit et participation Citoyenne
3. L’État de droit en Haïti est une source de préoccupations permanentes pour les justiciables et les militants des droits humains. La démocratie, telle que nous la connaissons dans le pays, souffre d’un manque d’équilibre entre les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. La décentralisation des pouvoirs publiques et la déconcentration de l’administration publique restent une préoccupation pour tous.
Recommandations
4. Mettre en place le Conseil Electoral Permanent, selon le vœu de la constitution (art. 192)
Élaborer un calendrier de retrait des troupes onusiennes et le rapatriement de la souveraineté nationale à ses détenteurs légitimes à savoir le peuple haïtien et les dirigeants qu’il s’est choisi. Renforcement de l’Office de la Protection du Citoyen et de la Citoyenne (OPC).
Droits économiques, sociaux et culturels
Droit à l’éducation
5. Le cadre constitutionnel établit la gratuité de l’éducation primaire mais la faible part du budget allouée à l’éducation atteste l’absence de l’État dans ce secteur privatisé à 92%. Les frais et matériels scolaires étant trop couteux et l’admission aux écoles publiques demeurant très difficiles, plus de huit cent milles (800 000) enfants en âge d’aller à l’école n’ont pas eu accès à ce droit fondamental bien avant le séisme de 2010. Certains parents se font soudoyer pour s’assurer d’une place aux lycées ou aux écoles nationales. Ces chiffres ont évolué à la hausse dans le contexte post-séisme. En 2009, moins de 50% des adultes sont alphabétisés. Ce système éducatif demeure le plus exclusif du sous continent.[[1]] Les fillettes et les femmes en sont les premières victimes ; en fait foi le fait que 1/3 des femmes de 15 à 49 ans n’ont aucune éducation formelle. Ainsi donc, deux types d’écoles forment deux types de citoyens dans une même société. Autrement dit, existe-il une école à plusieurs vitesses reproduisant et pérennisant les inégalités sociales plus que bi-séculaires. Le personnel est insuffisant et mal repartis (46,5% milieu urbain / 53,5% milieu rural), la formation des enseignants est en baisse (moins de 10% ont une formation académique et pédagogique appropriée) et les ressources didactiques de base sont quasi- inexistants.
Recommandations
6. Créer des écoles primaires gratuites sur tout le territoire pour étendre le programme de formation initiale accélérée des maîtres (FIA) ;
7. Ratifier le Pacte International des Droits Economiques, Sociales et Culturels (PIDESC); Edicter des lois d’applications susceptibles de matérialiser le PIDESC et les obligations constitutionnelles en la matière ; Et Renforcer le ministère des affaires sociales et du travail
Droit au logement
8. Haïti a reconnu le droit au logement et est redevable des autres prescrits, dont les Conventions interaméricaines relatives aux droits de l’homme, complétée par le protocole de San Salvador traitant des Droits Economiques Sociaux et Culturels (DESC). L’Entreprise Publique de Promotion de Logements Sociaux (EPPLS), une des sources, demeure la chasse gardée des différents gouvernements qui se sont succédés, sans pour autant doter le pays d’une politique publique d’habitat ni de logements sociaux pour les petits fonctionnaires des services publics et les démunis qui croupissent dans les taudis et les bidonvilles. La situation de l’habitat est objet de non droit en Haïti. La majorité des logements est caractérisée par l’exiguïté, le délabrement, et la précarité ; la détérioration du cadre bâti, l’absence de normes d’urbanismes, la sacralisation de la propriété privé par le secteur des affaires et une discrimination criante entre habitat urbain, suburbain et rural en fonction des catégories sociales des ménages. La croissance rapide de la population, la ruralisation des villes, l’éclatement des infrastructures économiques de base et la crise endémique du logement qui en découle, ne semblent pourtant pas constituer une préoccupation majeure des actuels titulaires de l’État.
Recommandations
9. Appliquer la loi sur l’Aménagement du Territoire et des Plans directeurs d’urbanisme ; Et Suspendre les évictions forcées sur les camps d’ébergement des victimes du tremblement de terre du 12 janvier 2010.
10. Droit des femmes : Au regard des instruments internationaux les régissant, en Janvier 2009, l’État haïtien a produit, après 27 années de silences, son Rapport à la CEDEF[[2]] attestant la ratification de la dite convention. La Loi Mère proclame l’égalité des hommes et des femmes et le gouvernement en place reconnait la persistance de clauses discriminatoires dans la législation en vigueur. Alors que la loi cadre sur la violence faite aux femmes est toujours en gestation et au niveau institutionnel.
Recommandations
11. Voter les propositions de Lois sur le placage et la filiation et la paternité et la maternité responsable ; et élaborer en consultation nationale le prochain rapport au comité de CEDEF.
Droits des enfants
Domesticité et trafic d’enfants
12. Les enfants en domesticité en Haïti demeurent une question qui n’est pas adéquatement adressée. La pauvreté qui gangrène la société est la source de la domesticité en Haïti puisque ce phénomène touche surtout des enfants dont les parents défavorisés et notamment des fillettes exposées aux abus sexuels et à la violence de toute sorte. Le trafic des enfants est un phénomène très important surtout à la frontière haïtien-dominicaine. Le séisme sert de prétexte aux trafiquants qui a intensifié leurs besognes si l’on tient compte du nombre de cas d’arrestations et de dénonciation réitérées pendant l’année 2010.
Recommandations
13. Travailler avec les autres instances publiques, privées et internationales qui luttent pour un changement dans la vie des enfants en difficulté ; Adopter une politique nationale d’Aide Sociale à l’Enfance ; Mettre en application les recommandations du comité des droits de l’Enfant de 2003 et présenter les prochains dus
Identification, état civil et migration
14. En Haïti, l’absence d’identification est un indicateur de l’exclusion, de la marginalisation dont sont victimes certains groupes sociaux. Le dysfonctionnement des systèmes d’enregistrement des naissances [[3]] et d’identification tel qu’il est conçu, favorise l’exclusion des majorités dans la mesure où le non enregistrement des mineurs constitue une grave atteinte à la jouissance des DCP et DESC.
Recommandations
15. Ratifier la Convention internationale sur les droits des travailleurs migrants et les membres de leur famille ;
Adopter la Loi Organique de l’Office National d’Identification et Mettre en place des registres d’enregistrement des naissances dans tous les centres hospitaliers du pays.
16. Recommandations Générales
1. Adhérer au statut de Romme reconnu la compétence de la Cour Pénale Internationale ;
2. Lancer des invitations permanentes aux Détenteurs de mandats ;
3. Signer et ratifier la convention contre la tortue et la disparition forcée ;
4. Rendre compte devant les organes de Traités de Droits de l’Homme.
Notes:
[1] 2/3 d’écoliers scolarisés et 1.2% de lycéens ayant accès à l’université (seulement 3 des institutions d’enseignement supérieurs privés reconnues par l’État) ; près de 64% des jeunes à niveau précaire n’a jamais fréquenté d’établissement scolaire (Wolff, 08)
[2] Rapport d’application de la Convention sur l’Élimination de toutes les formes de Discriminations à l’Égard des Femmes, 1982 – 1986/2006 présenté par la Ministre Lassègue à la 43e Session du Comité de suivi (Genève, Janvier 2009)
[3] Plus de 20% des nouvelles naissances ne sont pas enregistrées
Antonal MORTIME
Secrétaire Exécutif