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Premier anniversaire de la Conférence de New York sur la « Reconstruction d’Haïti »: Des organisations de la société haïtienne dressent un bilan d’échec et plaident en faveur d’une construction plutôt alternative

A l’occasion du premier anniversaire de la conférence des bailleurs de fonds sur la « Reconstruction d’Haïti », tenue au siège des Nations Unies à New York fin mars 2010, nous représentants et représentantes d’une quarantaine d’organisations et secteurs de la société haïtienne, réunis à Port-au-Prince le 26 mars 2011, avions réfléchi sur la trajectoire suivie par le pays depuis cette conférence.


Une année après les promesses de reconstruction à coup de milliards de dollars américains, nous constatons que rien de significatif n’a été véritablement entrepris. Aucune rupture n’a été amorcée avec les approches et pratiques traditionnelles qui ont, au fil des ans, appauvri et rendu et si vulnérables la République D’Haïti. Bien au contraire, nous assistons à une accélération de tous les phénomènes témoignant du déclin collectif et de la régression. Les millions de personnes affectées directement ou indirectement par le séisme continuent à en affronter les conséquences dans un grand dénuement et sans accompagnement. L’extraordinaire mouvement de solidarité inter-haïtienne qui s’est manifesté avec vigueur au lendemain du séisme a été complètement marginalisé par les forces dominantes.

Au cours de la journée de réflexion du 26 mars, des témoignages bouleversants sur le processus de détérioration des conditions de vie dans le pays ont été apportés par des personnes déplacées, des paysans pauvres, des femmes, des acteurs du monde de la communication, du secteur religieux, de la santé etc. Ils ont tous et toutes signalé l’absence de réponses de l’Etat aux problèmes sociaux les plus urgents, la précarité des conditions de vie particulièrement des personnes déplacées, les expulsions forcées, la tendance à la privatisation croissante des services de santé, d’éducation, d’approvisionnement en eau potable…

Les analyses et témoignages nous ont conduits au constat que collectivement la société haïtienne continue à être enfermée dans les mêmes pièges de l’exclusion, de la dépendance, de la méconnaissance de nos forces, de nos ressources, de notre identité, comme souligné dans notre déclaration rendue publique le 19 mars 2010. Les structures du système de domination et de dépendance se sont reproduites et renforcées avec la mise en place d’un dispositif stratégique réunissant la MINUSTAH, la CIRH et les grandes ONG internationales.

Désormais, ce sont ces instances, en particulier la Commission Intérimaire pour la Reconstruction d’Haïti (CIRH) qui orientent les destinées de notre pays et prennent toutes les décisions à notre place. On assiste ainsi à une complète marginalisation des acteurs haïtiens de tous les espaces stratégiques de décision. A travers la CIRH, se pratique une double exclusion: celle des institutions étatiques et celle du mouvement social. L’existence de la CIRH participe du processus de destruction des institutions et de l’économie haïtienne.

Nous réclamons la disparition de la CIRH dont l’existence constitue un affront à notre dignité collective. Les budgets relatifs aux projets spécifiques visant la réhabilitation et la mise en place de nouvelles infrastructures doivent être gérés par les organes compétents de l’Etat dans chacun des domaines concernés. Il faut mettre un terme à la création d’organismes parallèles qui accélèrent la destruction de l’Etat. Nous réclamons de préférence la mise en place de mécanismes nouveaux et efficaces de contrôle social assurant la participation des couches majoritaires du pays dans les prises de décisions et les orientations stratégiques.

Nous réaffirmons que la construction alternative de notre pays et la viabilité d’un avenir différent de celui d’aujourd’hui impliquent un processus de ruptures radicales d’avec les tendances actuelles :

– Rupture avec l’exclusion qui s’exprime dans les rapports rural/urbain ; Port-au-Prince/arrière pays ; hommes/femmes et dans le refus de construire des services sociaux accessibles et universels. Il est inadmissible qu’en plein 21ème siècle près de 50% de la population est analphabète, près de 700,000 enfants ne sont pas scolarisés et 630 femmes périssent pour 100,000 naissances vivantes.
– Rupture avec la dépendance qui s’exprime à travers une soumission presque totale d’une grande partie de la classe politique aux grandes puissances, une situation de tutelle de fait avec la mise en place de la MINUSTAH en 2004 et qui évolue vers un processus débridé de recolonisation avec l’instauration de la CIRH en avril 2010. Le rôle joué par la communauté internationale dans les décisions concernant les élections présidentielles et législatives du 28 novembre 2010 et du 20 mars 2011 participe de cette dépendance accrue.
– Rupture avec le modèle de croissance hyperconcentré, extraverti, anti-paysan et anti-national exprimé à travers le modèle de la sous-traitance internationale et celui de la surexploitation, la spéculation, les rentes et les monopoles. Il nous faut construire un modèle de développement qui repose sur l’agriculture, l’agro-industrie tournée vers la satisfaction des besoins prioritaires du marché national en répondant à nos besoins alimentaires et énergétiques. Il nous faut un modèle économique en rupture avec la logique de rente et de spéculation et tournée vers la production de richesses, la valorisation de notre culture nationale et la récupération de notre capital boisé.
– Rupture avec les rapports entre l’Etat et la Nation et les rapports de propriété qui doit s’exprimer à travers la mise en place d’un Etat qui se préoccupe désormais de sa population, qui redéfinit l’espace collectif et qui effectue une réforme du régime foncier et agraire tant en milieu rural qu’urbain.
– Rupture avec la lecture coloniale de notre pays qui doit s’exprimer à travers l’abandon d’un certain discours qui véhicule un mépris absolu de notre culture et de notre trajectoire historique.

Au nom de toutes les victimes du tremblement de terre du 12 janvier 2010, nous exigeons la définition et la mise en œuvre d’un nouveau projet de société en Haïti. L’actuel plan dit de Reconstruction et de Relèvement National (PARDN), concocté par des experts, sans la participation des secteurs vitaux de la nation, ne saurait nous conduire dans cette voie.

Nous signataires de cette déclaration, nous nous engageons plus que jamais dans une dynamique de propositions et de mobilisations afin d’aboutir à la concrétisation d’un véritable plan de construction alternative pour Haïti.

Pour les organisations ayant participé à la rencontre :

Colette Lespinasse

GARR

Camille Chalmers

PAPDA

Organisations signataires

1. APWOLIM

2. CMD-OD

3. VEDEK

4. MOPP

5. KONSA

6. KPSKBM

7. RACPABA

8. MITPA

9. SOFA

10. MOREPLA

11. TET KOLE TI PEYIZAN AYISYEN

12. SAKS

13. KLK

14. MODEP

15. GREDESH

16. PAPDA

17. GARR

18. SAKA

19. AJMDH

20. ASCOEH

21. SAJ / VEYE YO

22. POHDH

23. Fondation Zanmi Timoun

24. FGPB

25. ARDFD

26. CAMP TABARRE ISSA

27. ICKL

28. CERFAS

29. Sèk Gramsci

30. Camp Juampas – Lascohabas

31. CEAAL-Haïti

32. CRAD

Téléchargez la déclaration en .PDF ici:
Position des Organisations haitiennes un an après conférence de New-York